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La gare accueille et mêle dans un même espace des centaines, voire des milliers de personnes ainsi qu’une multiplicité de phénomènes et réalités sociales. Ces personnes s’y rendent pour des raisons multiples relevant de l’objet de base d’une gare (prendre son train ou accueillir un voyageur) et d’activités annexes qui ont été développées au travers des années pour rendre ces pôles centraux attractifs (transiter entre deux moyens de transport, trouver un commerce ouvert un dimanche ou un jour férié etc.). Ces usages variés des gares remontent au XIXe siècle, période pendant laquelle, sous Napoléon III, les gares remplacent progressivement les relais de poste et se modernisent.  
Cet essor prend fin avec le développement de la voiture personnelle et du transport aérien.  

Cependant, en raison des mutations socio-économiques liées au travail et à celles liées à la crise écologique avec notamment l’exemple du mouvement suédois anti-avion Flygskam (sentiment de honte de prendre l’avion), les gares tendent à reprendre de l’importance dans le réseau des mobilités et leurs fonctions s’élargissent. Il semble ainsi intéressant de penser la gare du futur comme réponse à des enjeux qui dépassent sa fonction simple de lieu d’accueil de transport. 

Nouvelles opportunités d’occupation de l’espace

De nos jours, les employés ferroviaires ne vivent plus au sein des gares mêmes. En conséquence, les gares disposent de grandes volumétries à exploiter pour y installer de nouvelles opportunités de services. 
De plus, certaines gares concentrent aujourd’hui des flux de personnes plus important que certains pôles modaux : la gare du Nord par exemple permet le transit de plus de 700 000 personnes chaque jour soit 10 fois plus qu’à l’aéroport d’Orly.  

Elles constituent des espaces entre le domicile et le lieu de travail que les personnes s’approprient et occupent, en cela, elles entrent maintenant dans la catégorie des “tiers-lieux”.

De par l’évolution de la société, en lien notamment avec le nomadisme professionnel les usagers des gares développent de nouveaux besoins. Elles constituent des espaces entre le domicile et le lieu de travail que les personnes s’approprient et occupent, en cela, elles entrent maintenant dans la catégorie des “tiers-lieux”. Par exemple, il existe une crèche dans la gare de Roanne depuis 2010. A Paris, c’est un espace de co-working réservable via internet qui est proposé dans la gare de Lyon. 
En France, de par leur interconnexion entre lieux de consommation, lieux de mobilité et lieux de récréativité, les gares tendent graduellement à devenir des hyper-lieux.

Michel Lussault

Par G.Garitan —, CC BY-SA 4.0

Un hyper-lieu se caractérise par “le regroupement démesuré d’éléments spatiaux, matériels, immatériels, humains et non-humains dans un espace restreint ; puis, l’alliance de l’accessibilité du lieu avec la connectivité au Monde ; ensuite, l’insertion du lieu dans différentes échelles – locale, régionale, nationale, mondiale ; enfin le fait que ce lieu procure aux individus une expérience personnelle ou collective totale »

On peut citer comme exemple la gare de Shinjuku au Japon qui accueille près d’un milliard de visiteurs par an et constitue une entité architecturale entière et cohérente pensée pour optimiser les déplacements individuels aussi bien que d’importants flux de personnes. Cette infrastructure est également ouverte sur le Japon par des activités commerciales, récréatives et culturelles proches. En effet, la sortie Est donne accès au centre commercial Lumine Est, tandis que la sortie Ouest donne accès au quartier des affaires. 

développement technologique et expérience usagers

C’est dans ce contexte que concernant l’habilitation de ses gares, SNCF a opéré un tournant serviciel depuis 5 ans. Le groupe s’est donné pour objectif de moderniser les gares pour les adapter aux demandes d’une société fonctionnant de plus en plus avec les NTIC, qui facilitent notamment la mobilité. 

La première étape était de proposer la wi-fi dans toutes les gares à horizon 2015-2016. Cette arrivée du wi-fi dans les gares est liée à l’arrivée de tout une gamme de services digitaux, tels que des Playing-Wall, des applications mobiles comme « G Envie » ou les “WeBike”, des vélos de rechargement, développés dans le but d’améliorer l’expérience des usagers.  

Puis en 2016, SNCF a lancé Open Gare, un appel à projet dont la visée dépasse la seule amélioration de l’expérience usager. Les projets lauréats étaient alors la création d’espace de coworking, d’ateliers artistiques, et le développement de services liés à l’entrepreneuriat (incubateur, pépinière).

Exemple de projet lauréat

Pour 2024, SNCF s’est donnée pour objectif de réaménager la gare du Nord sur le modèle des grands aéroports en triplant sa surface et en quintuplant les commerces. En effet, actuellement, les aéroports génèrent de plus en plus de bénéfices avec la présence des enseignes commerciales qu’avec le quote-part aéroportuaire de la vente de billets. Cette manne représente aujourd’hui 20 à 30% du chiffre d’affaires des aéroports estiment les experts du secteur comme Didier Bréchemier. Actuellement les enseignes commerciales situées dans les gares ne représentent que 7% du chiffre d’affaire de SNCF. Le projet a été confié à Ceetrus, une filiale immobilière des hypermarchés Auchan. L’idée est donc de faire de la gare un « lieu de vie » adapté à tous et pratique, dans lequel les visiteurs, passagers et riverains entrent par une porte et sortent par une autre afin de traverser une zone commerciale.

Ces velléités commerciales arrivent dans une certaine mesure en contradiction avec le projet de lieu de vie que s’est fixé SNCF, en effet, est intéressant de se questionner sur la conjonction et l’articulation entre l’objectif social et l’objectif commercial d’une gare qui est un service public. 

les gares comme lieux de patrimoine et lieux de vie

La gare doit être un lieu de brassage social, utilisé par les usagers de train comme par les habitants de la ville”, selon Patrick Reobert, directeur général SNCF Gares et Connexions. Par cette déclaration, il avance le fait que la gare doit désormais autant répondre aux besoins de confort de ses usagers, que se reconnecter à son territoire. En milieu rural, la gare fait face à de tout autres enjeux. Bien qu’étant situées dans les centres villes et bénéficiant d’un bon maillage intermodal (on peut s’y rendre en bus, par vélo etc.), ces gares ont très peu d’attractivité. Certaines ont même été réaffectées à des usages privés (logements, bureaux etc.). Elles sont pourtant des lieux de patrimoine qui structurent le territoire. 

Carte des gares de fret en France

Localisation des gare de fret de voyageurs en France métropolitaine en 2011. A savoir les gares ferroviaires exploitées dans une ou plusieurs des situations suivantes : transport des voyageurs, transport du fret, opérations d’infrastructure ou non exploitées. Publiée en janvier 2014 sur le site de data.gouv.
Le fichier contient : le code de la ligne sur laquelle la gare est située, le nom de la gare, la nature de la gare : desserte voyageur et/ou desserte fret et/ou infrastructure ou non exploitée, la position WGS84 de la gare, projetée sur la ligne, en degrés décimaux.

C’est pourquoi SNCF a développé une stratégie visant à investir les petites gares oubliées et notamment les espaces vides en y injectant des investissements commerciaux . Cela permettrait d’augmenter l’attractivité commerciale de 3000 gares du territoire français. L’objectif est de faire des gares des vecteurs de régénération du territoire en en faisant des portes d’entrée vers la ville et ses possibilités. La gare est en effet, à la fois en dehors et en dedans de la ville, assez proche d’elle pour assurer son existence, assez distante pour la globaliser du dehors de par son interconnexion à l’échelle nationale voire internationale. Dans ce cadre, SNCF a lancé 1001 Gares, un appel à projet pour 2024 qui a déjà réuni plus de 200 propositions de projets. 

 
Le devenir de la Gare en France est donc pris entre plusieurs desseins, sera-t-elle seulement une extension contemporaine des pôles commerciaux déjà existants ou un véritable lieu de vie qui procure à son utilisateur une expérience personnalisée mais aussi collective ? Dans notre société en profondes mutations socio-économiques, ces volontés ne semblent pas contradictoires. Un travail de terrain, permettrait même de mieux répondre aux nouveaux besoins des usagers de la gare et contribuerait à une meilleure articulation entre l’idée de développer un pôle commercial tout en développant un lieu de vie. 

Pour aller + loin

Projet : Cas d’usage de la 5G en gare

Cette réflexion a fait suite à une étude menée dans le cadre d’un projet avec SNCF en 2018.

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